La Méditerranée est un cimetière!
C’est en chantant et en dansant que des milliers de féministes, venues de toute l’Europe ont manifesté samedi 5 juin en France, dans les rues de Nice et le long de la mer Méditerranée pour affirmer haut et fort que la liberté de circulation est une liberté fondamentale. Malgré tous les vents contraires, l’appel de Toutes aux Frontières pour une Europe sans murailles a résonné dans toute la ville: des féministes de plus de 20 pays et de différents continents ont fait entendre leur voix pour dénoncer les politiques migratoires européennes actuelles, la militarisation des frontières, la criminalisation des personnes migrantes et des solidaires, les violences faites aux femmes, enfants et minorités de genre et sexuelles sur la route de l’exil.
Organisée depuis de nombreux mois, en dépit de la pandémie, cette action inédite est l’aboutissement d’une motivation et d’une coopération portée par des féministes à travers plusieurs pays d’Europe suite à la rencontre européenne organisée par la MMF/Suisse à Genève en septembre 2019. Le 5 juin à Nice, les prises de parole et performances artistiques ont permis de rendre visible les parcours, les difficultés, mais aussi la force, la créativité et la détermination de celles et ceux qui sont en première ligne face au racisme, à la xénophobie et aux oppressions patriarcales.
L’appel pour la deuxième phase de Toutes Aux Frontières ! est déjà lancé : pour cet automne nous préparons une campagne féministe internationale avec de multiples actions, dont une pétition en faveur de la reconnaissance systématique des motifs d’asile propres aux femmes, aux filles et aux personnes LGBTQI+. Car aux multiples raisons qui poussent les hommes à s’exiler, s’ajoutent pour les femmes, les filles et les personnes LGBTQI+ dans leur pays d’origine et sur la route de l’exil des violences extrêmes, tels les viols, les mariages forcés, l’exploitation sexuelle, la traite, les mutilations génitales, la répudiation,…
Ces motifs d’asile spécifiques aux femmes, aux filles et au personnes LGBTQI+ ne sont aujourd’hui que rarement reconnus en Europe. C’est pourquoi nous travaillons actuellement à la création d’une large coalition d’organisations qui luttent pour les droits des migrant-e-s et des réfugié-e-es pour lancer une pétition féministe européenne qui sera adressée à la Commission Européenne ainsi qu’aux gouvernements nationaux de l’espace Schengen. Nous voulons que soit garanti le droit à une protection par la reconnaissance effective de tout motif d’asile spécifique aux femmes, aux filles et aux personnes LGBTQI+. Une telle garantie passe notamment par un accès systématique à des structures d’identification et de soutien aux victimes de traite et de violences fondées sur le genre et sur l’orientation sexuelle non-hétérosexuelle. La présence de travailleuses sociales, d’interprètes, de personnel soignant, de psychologues et de juristes de sexe féminin et sensibilisées aux questions LGBTQI+ dans les centres d’hébergement et d’accueil. La détention de femmes et des enfants qui les accompagnent, des filles et des personnes LGBTQI+ en exil doit être proscrite.
La pétition, en voie d’élaboration, exigera aussi que tous les gouvernements nationaux d’Europe, qui ont signé la Convention d’Istanbul et la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains, mettent en place des lois d’application et se dotent des moyens nécessaires à la création de structures adéquates à la reconnaissance effective des motifs d’asile spécifiques aux femmes, aux filles et aux personnes LGBTQI+. Elle dénoncera avec force le projet de pacte européen sur la migration et l'asile présenté en septembre 2020 par la Commission européenne, qui cimente la forteresse Europe, en instituant notamment un régime frontalier durci, des procédures aux frontières accélérées, une décharge du devoir d’accueil sur des pays tiers non membres de l’Union européenne. Nous dénonçons ce projet de pacte qui affaiblit les droits des personnes réfugiées et demandons que des voies légales facilitées permettent aux femmes, aux filles et aux personnes LGBTQI+ de déposer une demande d’asile en Europe.
Nous continuons avec joie, courage et colère notre lutte pour un monde libéré des frontières meurtrières, libéré du patriarcat.
Marianne Ebel/MMF Suisse