La Convention 189 « Un travail décent pour les travailleuses et travailleurs domestiques » de l'Organisation Internationale du Travail (OIT) entre en vigueur le 12 novembre 2015. Il est urgent qu’elle se traduise dans les faits. A la Suisse d’agir.
En automne 2014, la Convention 189 de l'Organisation Internationale du Travail (OIT) « Un travail décent pour les travailleuses et travailleurs domestiques » a été ratifiée par la Suisse. Le 12 novembre la Convention entre en vigueur. La Suisse est ainsi engagée à mettre en oeuvre les objectifs qui y sont énoncés. La Convention exige que les employées domestiques soient assimilées légalement à tous les autres employés et que la situation des employées soit améliorée du point de vue de la rémunération, du temps de travail, de la sécurité sociale et des conditions de travail, non sans oublier la protection face aux abus, au harcèlement et à la violence physique.
En Suisse, plus de 100'000 personnes travaillent dans des ménages privés. Dans leur grande majorité ce sont des femmes dont beaucoup de migrantes. Elles assument des tâches domestiques et de soins, des travaux fondamentaux pour notre bien-être et pour notre niveau de vie. Mais ces tâches sont encore et toujours sous-évaluées, largement invisibles et particulièrement sujettes aux discriminations. Les formes d'embauche varient d’un engagement à l'heure jusqu'à un travail 24 heures sur 24. Certes, le Contrat-type de travail (CTT), prolongé jusqu'en 2016, édicte des salaires minimaux contraignants, mais les ménages privés ne sont pas inclus dans le champs d'application de la loi sur le travail. Les heures de travail et de repos restent donc non-réglementées. Souvent les permanences de 24 heures et le temps des déplacements ne sont pas indemnisés et les accompagnatrices de personnes âgées ne disposent pas de temps libre ce qui met leur santé en grand danger.
La situation des employées domestiques migrantes est particulièrement précaire. Plusieurs études montrent qu'au moins 40'000 migrantes sans permis de séjour en règle – les soi-disants Sanspapiers – travaillent dans ce secteur de l'économie. Elles ne disposent pas de protection légale et les possibilités de se défendre sont pratiquement inexistantes. Sans aucune protection, elles se trouvent exposées aux risques d'abus, voire même d'exploitation sexuelle. Privées de rente AVS, beaucoup d'entre elles se voient obligées de continuer à travailler jusqu'à un âge avancé ou contraintes de vivre dans une grande pauvreté. Le paragraphe 2, chiffre 1, de la Convention inclut sans ambiguïté « toutes les employéEs domestiques, » les Sans-papiers compris. Mais sans statut de séjour légal une vraie protection sociale n'est pas garantie.
Pour garantir aux employées domestiques les améliorations exigées par la Convention, les ménages vivant avec une personne dépendante ont besoin d’une aide plus importante pour assurer leurs tâches d’entretien et de soins. Par ailleurs, il est nécessaire de développer davantage les infrastructures collectives. Les ressources publiques qui permettraient de mieux payer les employées, aux ménages d'assumer eux-mêmes le travail à faire ou encore de s'appuyer sur de meilleurs services de soins et d'accompagnement manquent largement.
Nous exigeons la mise en oeuvre des objectifs suivants :
• l’obtention facilitée d’un permis de travail et de séjour pour toutes les employéEs domestiques sans-papiers ;
• la garantie d’un accès sûr et simplifié aux assurances sociales et aux tribunaux de prud'hommes, sans encourir un risque d'expulsion, dans tous les cantons ;
• l’amélioration de l'offre de conseil et de soutien pour les employées domestiques et de soins ;
• l’assujettissement à la loi sur le travail de toutes les relations de travail dans les ménages privés et le respect les heures de travail et de repos ;
• l’augmentation substantielle des ressources publiques pour les personnes dépendantes et les institutions dans lesquelles elles vivent.
Deux ans après l’entrée en vigueur de la Convention, la Suisse a l'obligation de rendre compte à l'OIT des progrès accomplis dans la mise en oeuvre de la Convention. Jusqu’à cette échéance, les signataires du présent appel comptent sur une réelle mise en oeuvre des objectifs susmentionnés.
WIDE (Women in Development Europe) et la plateforme nationale des Sans-papiers invitent à signer cet appel.