En Suisse comme partout dans le monde, la Marche mondiale des femmes participe le 8 mars au lancement de la 5me action planétaire. Dans le sillage de la grève du 14 juin, nous nous joignons en Suisse aux collectifs féministes qui appellent en ce 8 mars 2020 à une large mobilisation. L’accent sera mis sur le travail de soins.
« Parce que nous nous épuisons à travailler, nous voulons réduire le temps de travail »
C’était l’une des revendications contenues dans le Manifeste de la grève féministe du 14 juin 2019. Elle reste d'une actualité brûlante.
Sortir de l'ombre
En dépit du Coronavirus qui impliquera de nombreuses restrictions imposées par les autorités politiques et la santé publique, dimanche 8 mars nous rendrons visible d’une manière ou d’une autre le travail domestique, éducatif et de soins, accompli dans l’ombre de nos foyers : actions décentralisées dans les différentes villes et régions, mots d’ordre collectifs pour inviter toutes les femmes à accrocher drapeaux, banderoles, balais et casseroles à leurs fenêtres, etc. Ce travail de soins est l’angle mort des experts économiques qui monopolisent la parole publique et n’ont que faire d’un travail qui ne rapporte rien aux actionnaires. Ils appliquent cette même logique aux secteurs des services à la personne, que ce soit dans le ménage et le nettoyage, dans le secteur des soins et mêmes dans l’accueil des enfants. On exige ainsi que ces secteurs soient rentables, qu’ils dégagent du bénéfice. Non pas un bénéfice social, mais bien un profit en termes d’argent sonnant et trébuchant.
65 ANS, c'est toujours NON!
Les élections fédérales sont passées. À Berne, le Parlement va reprendre son train-train. Les promesses sont remises au galetas pour quatre ans. Durant la campagne de votation sur la loi fédérale relative à la réforme fiscale et au financement de l’AVS (RFFA), le président du Parti socialiste suisse (PS), Christian Levrat, promettait qu’en cas d’approbation de ce texte, il ne serait plus question d’augmenter l’âge de la retraite des femmes. À peine quelques mois plus tard, le conseiller fédéral (PS) en charge des affaires sociales, Alain Berset, a d'ores et déjà ressorti du placard son projet AVS 21. Ce dernier prévoit une fois de plus une hausse de l’âge de la retraite des femmes, prélude et non pas aboutissement d’une bataille déjà annoncée pour augmenter l’âge de la retraite de toutes et tous à 66, voire 67 ans.
Stopper la politique néolibérale
La grève et la mobilisation historiques des salarié-e-s français-e-s contre le projet de « retraite à points », entamée le 5 décembre 2019, montrent que l’allongement de la durée du travail sur la vie et la réduction du montant des rentes font partie du programme néolibéral déployé depuis plusieurs décennies en Europe et dans le monde. Avec un résultat sans appel: en Europe, le 1% des plus riches ont vu leurs revenus bondir deux fois plus vite que les 50% les moins aisé-e-s au cours des trente dernières années. Au bas de l’échelle, la pauvreté augmente avec des conséquences parfois désastreuses: en Suisse, à Genève, des personnes âgées sont expulsées de leur logement, leur maigre rente AVS ne leur permettant plus de payer leur loyer. Le 8 mars, nous lancerons une nouvelle campagne contre la hausse de l’âge de la retraite des femmes. Nous répéterons que pour nous toutes qui avons fait grève le 14 juin 2019 il ne peut être question d’augmenter l’âge auquel nous avons droit à une retraite ! Augmenter nos rentes par l’introduction d’une 13me rente, OUI, augmenter l’âge auquel nous y avons droit, NON !
67 heures par semaine?
La baisse du temps de travail n’est plus à la mode, du moins si l’on en croit le projet de loi qui va être discuté sous la Coupole fédérale. Ce dernier veut autoriser des semaines de travail à 67 heures. D’après les calculs du Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco), cette révision concernerait 670 000 personnes, soit près d’un-e salarié-e sur cinq. La Loi sur le travail (LTr), déjà très souple en matière de durée du travail et de flexibilité des horaires, introduirait un calcul annualisé. Ce dernier permettrait de travailler jusqu’à 67 heures par semaine si la semaine de travail est de 45 heures en moyenne annuelle. Le travail serait autorisé dès 4 heures du matin jusqu’à minuit, et le travail du dimanche serait autorisé hors de l’entreprise.
C’est NON !
Cette révision va totalement à l’encontre de nos revendications et de toute idée, même élémentaire, de «conciliation» entre travail et famille. Travailler 67 heures par semaine est incompatible avec la prise en charge d’un enfant qui a besoin de soins tous les jours. C’est la porte ouverte à davantage de temps partiel et de pauvreté, mais aussi à un partage des tâches encore plus inégalitaire. Travailler 67 heures par semaine et autoriser le travail du dimanche en dehors de l’entreprise est tout simplement incompatible avec une vie privée et équilibrée. C’est la voie ouverte à l’épuisement professionnel de toute une génération qui sera usée et jetée à 50 ans.
Le Coronavirus modifie les modalités de notre grève féministe, mais notre détermination et notre volonté de défendre nos droits à l’égalité et à une meilleure vie restent intacts. Dimanche 8 mars, journée internationale pour les droits des femmes, la MMF lance sa 5me action planétaire et partout les femmes feront preuve d’imagination pour faire grève ensemble, en dépit des restrictions imposées par les autorités politiques et la santé publique.
(Texte inspiré de la page publiée sur https://ssp-vpod.ch par Michela Bovolenta, secrétaire syndicale)