Forderungen
Suzete, membre du Secrétariat international de la Marche mondiale des femmes, a partcipé avec Graça, sa collègue du SI et Carlota (MMF du Mozambique) aux travaux
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Je m'appelle Catherine Villanueva et je suis infirmière de formation.
Cela faisait 12 ans que je travaillais dans le même hôpital à Neuchâtel comme infirmière polyvalente. J'avais choisi cet hôpital de petite dimension (360 employés et environ 70 lits pour hospitalisés et une quarantaine de lits ambulatoires de chirurgie et de dialyse) parce qu'il avait encore une vision humaine et presque familiale de la prise en charge des patients, ce qui correspondait assez bien à ma vision de ce que devrait être les soins.
Cet hôpital reçoit de l'argent publique pour des missions publiques,mais fonctionne également sur le mode privé,puisque appartenant à une fondation catholique.
Le choix de vendre l'hôpital à une chaîne de cliniques privées, dont le seul but est de remplir les poches de ses actionnaires (au mépris de son personnel et en privilégiant une médecine à deux vitesses : excellence, confort et rapidité pour les riches qui peuvent payer et service minimum pour les autres) a ouvert les hostilités entre la direction et une partie du personnel, puisque une des conditions de rachat par le futur employeur était de dénoncer la CCT Santé 21 jugée trop restrictive et trop chère et donc les empêchait de faire autant de bénéfices qu'ils le souhaiteraient.
Témoignage de Silvia dans le cadre d’un atelier organisé le 24 mai 2015 à Genève par la MMF à l’occasion du passage en Suisse de la caravane féministe européenne.
Bonjour, je m’appelle Silvia Marino. Je suis Bolivienne et j’habite en Suisse, notamment à Genève, depuis 18 ans.
Actuellement je suis membre du comité du « Collectif de soutien aux sans-papiers » de Genève et de l’association « Reconnaître l’économie domestique et régulariser les sans-papiers ». Avec cette association je me suis engagée dans la campagne « Aucune employée de maison est illégale », campagne qui me tient à cœur ayant été moi même une employée de maison.
Commençons par le commencement.
Ainsi, arrivée ici il y a 18 ans je n’avais pas la moindre idée de ce qu’allait être ma vie ici. Contrairement à maintenant où les personnes qui immigrent sont mieux informées sur ce qui les attend. Ce qui ne les empêche toutefois pas d’être victimes d’une série d’abus due à leur statut de sans papiers.
Quand je suis arrivée je savais que je venais pour travailler. Mais je ne savais pas dans quelles conditions. Jeune et naïve je m’imaginais pouvoir travailler dans tous les domaines et par la suite faire une formation. Mais peu à peu je me suis rendue compte que ça ne serait pas possible, que j’étais ici illégalement, que j’appartenais à ce type de population qu’on appelle les sans-papiers ou clandestins. C’est évidemment une dénomination que nous, travailleuses et travailleurs sans statut légal, avons toujours rejetée et nous peine énormément car, des papiers, nous en avons, et une identité, nous en avons une aussi. Même si ceux-ci n’ont aucune valeur pour la Suisse.
Et très vite les mots qui nous vont révéler notre réalité et qui vont nous poursuivre dans notre destin sont :
Contrôle - Papiers - Police
Des mots, qui chez nous jusqu’à aujourd’hui ne veulent toujours rien dire, sont ici le cauchemar des personnes sans statut légal. Nous sommes alors, en quelques jours, passés d’un monde où nous n’avions rien, à un monde où nous avions encore moins, y compris, comme nous verrons plus loin, la possibilité de revenir en arrière, au propre comme au figuré.
Il m’est impossible de ne pas avoir de l’émotion quand j’évoque ce passé. Car ce passé est présent, il est là ; je le vois et je le revis à travers mes neveux, mes nièces, qui arrivent dans la même situation que moi ; je le côtoie avec mes copines qui jusqu’à maintenant n’ont pas obtenu leur régularisation.
Cette émotion, je la revis aussi à travers de mes compatriotes qui, il y a quelques années, ont quitté la Suisse pour aller en France, en Espagne et en Italie, quand ces pays ont régularisé de façon collective de milliers des personnes.
Pour beaucoup d’entre eux la situation s’est arrangée, un temps, et pour d’autres elle est restée au stade du simple rêve. Avec la crise qui frappe maintenant l’Europe, pour une grande majorité de ces personnes, c’est le retour à la case départ. Elles reviennent, obligées de quitter à nouveau l’endroit qu’elles croyaient sûr, la place qu’elles pensaient avoir gagnée et pour laquelle elles s’étaient tant battues.
Ces travailleurs et travailleuses, je les appelle des nomades permanents, prêtes à partir là où il y aura du travail, prêtes à tout quitter une nouvelle fois pour offrir aux leurs une vie meilleure aux prix de leur propre existence. Mon expérience m’a appris que lorsqu’on devient migrant un jour, on le devient pour toujours ! Car la question du retour ne se pose pas. Lorsque nous partons, comme les Helvètes il y a deux mil ans qui ont brûlé maisons, bourgs, greniers, nous brûlons la maison de notre passé.
Quand nous partons de chez nous, nous partons avec la promesse de vite revenir. Mais une fois ici nous nous rendons vite compte que le retour ne se fera pas avant plusieurs années, voire jamais. Tout dépend de la chance qu’offrira ce voyage incertain aux milliers de personnes qui, chaque jours, l’entreprennent.
Si l’émotion qui m’étreint lorsque j’évoque les « conditions » dans lesquelles mon « nouveau » pays m’accueille, il en est encore une qui, bien qu’inconnue de mes nouveaux « compatriotes », n’en est pas pour autant moindre. Il s’agit de l’émotion qui me submerge lorsque que je viens à penser à mon « ancien » pays que j’ai quitté. De cette émotion là, on n’en parle jamais. Et pourtant, l’une et l’autre sont liées !
Aujourd’hui dans mon pays il est rare de voir un enfant dont une personne de son entourage le plus proche ne soit pas un émigrant. Avant quand dans une classe on demandait de lever la main aux enfants de qui un proche était à l’étranger, il en y avait un ou deux qui levaient la main. Aujourd’hui c’est le contraire ! Il y a un ou deux qui ne lèvent pas la main. Que va donner cette génération d’enfants ? Les conséquences de ce phénomène, on commence à peine à les nommer dans nos pays d’origine. L’argent envoyé y étant une ressource économique non négligeable, personne n’ose dénoncer le mal que cette immigration forcée fait chez nous. Mais les conséquences sont là : décroissance démographique, augmentation de la délinquance, de la consommation de drogues et d’alcool, surtout chez les jeunes. On remarque aussi une progression des abandons d’enfants ces dernières années et, en corolaire, les cas d’inceste.
Toutes ces conséquences s’expliquent par le fait que, depuis au moins deux décennies, ce sont les femmes qui émigrent : les pays occidentaux ont besoin de main d’œuvre féminine pour combler les places de travail que les femmes autochtones refusent d’occuper ou que les états ont choisi de ne pas pourvoir. Or ces places de travail n’ont rien à envier aux emplois en entreprise. Elles sont tout aussi importantes, si ce n’est plus importantes. Etre femme de ménage, nounou, ou femme de compagnie, ce sont là les places de travail qui donnent aux familles une certaine tranquillité et renforcent leur stabilité. Les femmes qui remplissent ces fonctions donnent vie et chaleur à ces familles. Ce sont elles qui « alimentent » le foyer. Mais, étonnamment, ce travail est méprisé, dévalorisé et, surtout, il n’est pas reconnu. Etonnamment, car ce n’est pas là un des moindres paradoxes. Et Dieu sait s’il est difficile de vivre au quotidien pour la mère ou la sœur de famille migrante!
D’abord si l’employée domestique permet aux familles natives de vaquer à des occupations plus confortables, sa carence dans les pays d’émigration affaiblit considérablement leur propre famille. L’absence de ces femmes au foyer, notre absence, met en péril la cellule familiale, provocant souvent son éclatement. Paradoxe donc que cette migration qui, enrichissant une partie quand elle appauvrit l’autre, nourrit encore plus son flux. Tristesse et sentiment d’injustice de celles qui la subissent.
Ensuite ce paradoxe se double d’une superbe hypocrisie, le statut de sans-papier, hypocrisie qui ne fait elle aussi qu’accroitre le flux qu’elle dit vouloir combattre. La conséquence directe de ce statut est de nous rendre très difficile le retour chez nous. Il nous condamne donc à ne pas voir grandir nos enfants, nos frères ou sœurs, à ne pas assister de notre présence nos parents dans leur vieillesse, à ne pas les voir mourir. Il fait de nous des inconnues dans nos propres familles et de nos enfants des orphelins de l’immigration. Amertume et sentiment d’injustice de celles qui subissent cette lourde condamnation.
Consciente de cette contradiction, je demande à mes collègues femmes sans statut légal, travailleuses dans l’économie domestique, d’être fières de leur travail, d’être fières de nous, nous qui apportons plus que la tâche accomplie. Partout où nous passons l’aspirateur, portons des enfants, accompagnons des personnes âgées ou dépendantes, nous offrons plus que ça. Nous donnons la chaleur humaine, la flamme au foyer. Soyons fières, mais soyons aussi lucides ! Ce foyer que par notre présence et notre dévouement nous maintenons ici, chez nous, pour beaucoup, nous le perdons à jamais.
C’est pour ça que nous demandons la régularisation des travailleurs et travailleuses sans statut légal. J’aimerais vous faire comprendre que, pour nous, ce n’est pas seulement un papier, ce n’est pas simplement une question de permis. Il s’agit de nos droits fondamentaux : le droit de voir grandir nos enfants, le droit d’être présentes aux côtés de nos parents dans leurs derniers instants, le droit de pouvoir vivre en paix sans avoir peur d’être expulsées, le droit d’avoir vraiment le choix d’être ici ou de partir.
Comprenez-nous ! Il nous est impossible de retourner chez nous, car, comme les libellules attirées par la lumière, nous avons brulé nos ailes.
Reste à savoir si nous avions le droit de venir ici ? Je retournerai simplement la question : la lumière a-t-elle plus le droit d’attirer les libellules que les libellules d’aller vers la lumière ?
Merci.
Me voilà de retour, les mollets endurcis et les yeux qui pétillent de bonheur. Nous étions 180 femmes et quelques hommes à participer (partiellement ou intégralement) au parcours de 4 jours (= 80 km) à travers le Tessin jusqu’à Zoug - sous un soleil ardent, mais aussi sous l’orage, le vent, et la grêle - pour témoigner la solidarité envers toutes les femmes qui luttent pour la liberté, la dignité et l’égalité.
Quatre jours de partage interculturel et de réflexion, mais aussi de rire et d’amitié, le tout dans un joyeux “gazouillement" de langues (italien, français, allemand, portugais, anglais, espagnol…et même patois tessinois), sans compter les manifestations et les spectacles qui nous attendaient à l’arrivée de chaque étape.
Un grand BRAVO donc à Vanessa, Corinne, Chiara et Ximena qui ont organisé cette belle aventure avec professionnalisme et amour.
Départ de Chiasso où nous avons accueilli les 5 filles de la délégation de la Caravane, qui nous ont fait part des lourdes expériences des femmes qu’elles ont rencontrées.
Tous les parcours - Chiasso-Lugano, Lugano-Bellinzone, Bellinzone-Biasca (Biasca Faido, en train) et (Faido-Oberwilen train) Oberwil- Zug- ce sont déroulés à merveille: timing, paysage, ravitaillement (avec des délicieux fromages de la région et les "quatre-heures" offerts par les 'Bottega del mondo’ ('Magasins du monde’), sans oublier les succulents repas discussions, partages… A la manifestation de Lugano plus de 200 personnes étaient présentes sur la place au centre de laquelle de nombreux petits bateaux en papier se faisaient renverser par le vent, comme ceux des requérants en Méditerranée... Pendant
l’émouvant discours et les tragiques témoignages sur ces évènements, une toute petite fille en robe blanche accourait à chaque fois qu’un des bateaux chavirait pour le redresser... Avait-elle conscience des larmes qu’elle arrachait aupublic par le geste symbolique de sa petite main?
A Bellinzone les filles de la délégation de la caravane nous ont montré et commenté longuement les très belles photos qu’elles avaient prises à chaque étape de leur périple.
Le parcours de Bellinzone à Faido a été un enchantement de printemps avec fleurs, rivières, chemins de campagne…
Depuis Faido on a pris le train pour Oberwil et puis continué la ballade
(non, … soyons sérieuses) la marche, et nous avons pu admirer les millions de liasses de billets de banques déguisés en villas des riches zougois, mais aussi le magnifique paysage avec vue sur le lac.
Etant en pleine campagne et ayant l’envie d’un café, et de lâcher nos trois gouttes de pipi (celles qu’on n’a pas transpirées), c’est une luxueuse clinique psychiatrique qui a fait l’affaire. Toilettes en marbre et chaises confortables, les visiteurs et les résidents se distinguaient d’ailleurs par leurs chaussures, pointues et bien cirées ou à talon les uns, pantoufles ou sandales les autres.Grand fou-rire, il parait qu'avec mes bâtons et sandales, mon allure se confondaient fortement avec celle des résidents!!!
Chaque jour, après avoir grignoté un à un les longs kilomètres de la
journée, mouillées de transpiration …ou de pluie, toutes étaient bien
contentes de poser les sacs, et “reposer" leurs os, de défaire les lacets (pour celles qui ne portaient pas des sandales (comme les miennes qui d’ailleurs moussaient sous la tempête…) et d'assister aux différents spectacles qui nous accueillaient chaque jour. A chaque étape d’ailleurs, une troupe différente de danseuses et de comédiennes ont su plonger le public dans un silence ému.
La virtuosité de leur langage corporel qui a su exprimer, tout à la fois,
la souffrance, la lutte, la résistance des femmes, m’a fortement touchée…et j'avoue, j’ai même oublié mes genoux qui “frétillaient" !
J’ai passé des journées inoubliables, merci à toutes celles qui ont participé et oeuvré pour cette belle cause.
Marchons encore et encore jusqu’à toutes les femmes seront libres !!!
W la marcia mondiale delle donne Ticino
Monica