Il y a 20 ans, le 11 juillet 1995, plus de 8000 hommes et garçons vivant dans la ville de Srebrenica et dans les villages alentours ont été massacré par les forces militaires serbes de Bosnie. Leurs restes ont été mis dans des fosses communes et certains corps disséminés et cachés pour ne jamais être retrouvés. Le même jour, les femmes ont été emmenées dans des camps de concentration et systématiquement violées par les soldats serbes.


Chaque année depuis 2004, une marche pour la paix est organisée en soutien aux victimes du génocide de Srebrenica et pour se souvenir collectivement des horribles crimes de haine commis en Europe il n'y a pas si longtemps. La Caravane Féministe était présente à la commémoration des 20 ans et a rejoint ce rassemblement international pour la paix.


Ce qui s'est passé à Srebrenica est le résultat d'un profond échec des forces internationales de l'ONU pour la « paix », échec dans leur mission qui était, entre autres, de protéger la population de Srebrenica. Nos pays riches et puissants et leurs armées ont sacrifié la population de Srebrenica, en théorie pour permettre la paix avec la Serbie. Mais nous nous demandons quelle sorte de paix a été conclue quand un grand nombre de responsables de ce massacre, ainsi que d'autres massacres qui ont eu lieu pendant cette guerre, occupent encore des postes à responsabilité dans le gouvernement serbe. C'est le cas de l'actuel premier ministre, Aleksandar Vucic, qui est venu assister aux commémorations. Au moment où ces crimes contre les Musulmans de Bosnie étaient commis, cet homme faisait des déclarations les encourageant, comme par exemple « pour un serbe tué, nous massacrerons 100 Musulmans ».


Ce qui se passe autour de cette commémoration des 20 ans est effrayant. L’État Serbe a été soutenu par la Russie pour empêcher une résolution commémorant le génocide d'être adoptée par le Conseil de Sécurité des Nations Unies. Toutes les manifestations de commémoration organisées à Belgrade ces derniers jours ont été interdites et des militant-es tenant des bougies ont été attaquées par des nationalistes. La venue de Vucic à cette commémoration était une évidente provocation. Nous nous sommes levées avec nos amies lors de son passage, avec des slogans comme « Responsabilité ! », « Reconnaissance du génocide ! ».


Nous ne savons pas qui a jeté ce projectile sur lui et nous le condamnons, mais nous savons que cet acte est venu troubler l'important message de paix que les participant-es souhaitaient envoyer. Nous pensons que toute cette agitation autour de la commémoration est le résultat d'une politique agressive contre les survivant-es du génocide et contre les Musulmans de la région.


Nous pensons que les responsables de ces crimes haineux ne sont pas seulement ceux qui ont attaqué physiquement les populations mais aussi tous les « intellectuels », humoristes ou responsables politiques qui appellent constamment à la haine. Nous sommes conscientes qu'en Europe, aujourd'hui, le racisme et l’antisémitisme augmentent, et que la responsabilité est partagée entre les groupes d'extrême droite et les discours de haine de personnalités médiatiques.


Nous avons visité Srebrenica. Nous avons parlé avec les femmes, nous avons vu dans quelles conditions vivent les gens, ici en Europe, 20 ans après le dernier génocide. Nous sommes choquées. Les routes principales qui relient Srebrenica au reste du pays sont à moitié détruites. Parce que toutes les villes autours appartiennent à la république serbe de Bosnie, il n'y a aucun panneau indiquant la route pour se rendre à Srebrenica. Le génocide a eut lieu il y a 20 ans seulement, et les vivants de Srebrenica semblent oubliés et isolés. Les appels à « pardonner » dans ce contexte résonnent comme un manque de respect de la dignité humaine.


Aujourd'hui, 20 ans après, nous sommes ici pour se souvenir et nous n'oublierons pas toutes les atrocités commises en Bosnie pendant la guerre de 1992-1995. Nous appelons à en finir avec les politiques nationalistes et racistes qui créent des guerres partout dans le monde. Nous porterons cette mémoire avec nous car nous croyons que c'est la seule façon de prévenir l’essor de nouvelles aspirations nationalistes dans chaque pays d'Europe.


La montée du fascisme dans les Balkans est profondément connectée avec la montée du fascisme qui, partout en Europe, prend différentes formes ; nous devons donc avoir conscience que la montée des gouvernements fascistes n'est pas éloigné des réalités de l'Europe de l'Ouest. Éviter les politiques fascistes et les guerres est un combat de tous les jours.


Souvenons nous du génocide de Srebrenica, pour ne pas laisser l'histoire se répéter !

 

Caravane Féministé – Sarajevo – 14 Juillet 2015

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